Artistes Index nominum Etienne Dumonstier    
 
Etienne DUMONSTIER (DUMOUSTIER, DUMOÛTIER)
(Paris, vers 1540 – Paris, 25 octobre 1603)
      
ils aîné de Geoffroy Dumonstier, frère de Cosme et Pierre l'aîné (voir l'arbre généalogique de la famille Dumonstier), Étienne fit son apprentissage dans l’atelier paternel, ainsi que, selon toute vraisemblance, chez François Clouet, dont il maîtrise parfaitement la technique et la manière.
   Selon l’épitaphe d’Étienne Dumonstier sur son tombeau dans la nef de Saint-Jean-en-Grève, il aurait travaillé pendant plus de cinquante ans pour les rois de France depuis Henri II, ce qui l’introduisait au service royal dès sa treizième année :
 
« Cy gist Estienne Du Monstier, noble, rare et excellent en son art. Il estoit Peintre et Valet de chambre ordinaire des Roys Henry II, François II, Charles IX, Henry III, de la très grande Royne Catherine de Medicis et du Roy d’à présent, despuis l’espace de 50 ans et plus jusques à la fin de son age qui fut le 25me jour d’octobre 1603, agé de 63 ans. Priez Dieu pour son ame, Amen.[1] »
   Cependant, lorsqu’en 1578, la reine mère constitua en faveur de l’artiste « sa vye durant » une rente annuelle de 1330 livres tournois sur les recettes du duché de Valois, elle ne mentionnait aucun service au profit de son époux ou ses enfants, mais précisait qu’Étienne travaillait pour elle depuis dix-huit ans, c’est-à-dire depuis 1560 seulement  :
 
« [...] recongnoissans cy devant les bons et agréables services que nostre bien amé Estienne Dumonstier, l’un de nos paintres et valletz de chambre ordinaires, nous avoit faictz durant dix huict ans et plus, tant à nostre suitte qu’à celle de plusieurs princes et potentatz estrangers, près lesquelz il auroit résidé plusieurs années par nostre commandement pour nostre service, et affin de luy donner toute occasion de contantement en sorte qu’il peust vivre le reste de ses jours avec quelque honneste gratiffication qui témoignast sa fidellité et la satisfaction que recevions de ses longs services, par nos lettres patentes du moys de février mil vc lxxviii nous luy aurions donné et délaissé sa vie durant la somme de treize cents trente livres par an. »
   Son nom apparaît pour la première fois sur les états de 1568 avec 400 livres de gages (presque deux fois plus que François Clouet) : le 8 juin 1569 Étienne, « valet de chambre et painctre de la Royne mère », donna quittance pour le paiement de 100 l. t. « en testons et douzains » pour ses gages pendant le quartier d’octobre-décembre 1568 :
 
« En la présence des notaires du Roy nostre sire au Chastelet de Paris souz signez, Estienne Dumonstier, valet de chambre et painctre de la Royne mère dudict seigneur, a confessé avoir eu et reçeu comptant de noble homme Me Laurens Lefèvre, commis par la Majesté de ladite dame (sic) à l’exercice de la trésorerie et recepte generalle de ses finances et maisons et l’année M Vc soixante huict dernière passée, la somme de cent livres tournois, en testons et douzains, à luy ordonnée pour ses gaiges à cause de sondict estat durant le quartier d’octobre, novembre et décembre audit an M Vc soixante huict, à raison de IIIIc livres par an, de laquelle somme de C livres ledit Dumonstier s’est tenu et tient pour content et bien payé, et en a quicté et quicte ledit Lefebvre, commis susdit, et tous autres, promettant, obligeant, renonçant. Faict et passé l’an mil Vc soixante-neuf le mercredi huictiesme jour de Juing.
                  Signe :             C
ARREL. YVER »
   Il figure ensuite dans les comptes de 1569 parmi les « autres vallets de chambre, emploiés en autre charge » avec 400 l. t. (« Estienne Du Monstier, painctre, IIIj
c liv. »), puis dans ceux de 1570 avec 400 l. t., 1577 (« pension d’Estienne Du Monstier, peintre et valet de chambre de la reine mère »), 1583 – avec 600 l. t. de gages. Comme à son habitude, la reine fit parfois payer ses gages par la trésorerie de ses fils, Charles IX et Henri III (« Estat des officiers domestiques du Roy Henry III, depuis le premier janvier 1575 jusques au dernier décembre 1589 [...]Varlets de chambre à IIIIxx escus de gages. Estienne Du Monstier, hors en 1584 »). A ses gages s’ajoutaient les 1330 livres tournois de rente constituée par la reine mère. En juillet 1586, le duché de Valois étant réuni à la couronne, Catherine de Médicis transféra la rente sur les recettes des comtés de Clermont et d’Auvergne, « mettant de rechef en considération ses dictz services, mesmes ceulx qu’il nous a depuys continuez chacun jour à nostre très grand contentement, spéciallement en la paincture où l’expérience l’a rendu des premiers ». Par l’arrêt du parlement du 23 août 1601 relatif à la succession de la reine mère, Étienne reçut « deux mil quatre cents livres, restans de deux mil sept cens trente livres contenus en la rescription dudict Marcel, du troisiesme Ianvier mil cinq cents soixantedixhuict ».
   Étienne apparaît comme un homme de confiance de Catherine de Médicis, chargé de missions diplomatiques, mais une seule est connue avec certitude. Une lettre du 19 juillet, adressée à Nicolas Brûlart, marquis de Sillery, conseiller du roi et secrétaire d’État le montre en effet à Vienne, accompagné de son frère Pierre, envoyé dans cette ville par Catherine de Médicis et travaillant au service de l’empereur Maximilien II :

 
     « A Monsieur
      Monsieur Brulart Conseiller du Roy et secrétaire d’estat de sa Majesté en court.
      Monsieur ayant acquis par tout le monde comme vous avez la reputation de recevoir d’aussi bon œil les tres humbles et tres affectionnees prierres des plus petis, comme celles des plus grandz, cela m’a donne esperance encores que je ne vous aye james faict service aucun, que vostre accoutumée bonté ne me desnira non plus quelle faict a tous ceux qui sadressent a vous toute ayde et faveur. Et ce qui encores me fait plus librement adresser a vous Monsieur, c’est que de vostre grace vous aves escrit a Monsieur de Vulcob que la Royne mere du Roy vous avoit dit que si tost qu’elle seroit a Paris elle m’envoyroit les cinq cens escus que sa Majeste nous avoit ordonnez a mon frere et a moy pour nous en retourner en France. Et par ce que depuis ce temps la je n’en ay ouy aulcunes novelles jay opinion quelle ne s’en soit souvenue ce qui ma faict prendre la hardiesse de vous faire cette recharge et vous suplier tres humblement Monsieur de len faire souvenir. Car tant plus elle nous tiendra icy ce luy sera toujours plus de depence joint que nous ne faisons plus rien mon frere et moy que perdre le temps que je regrette imfiniment parce qu’il ne se peult recouvrer lequel ce deveroit employer a luy rendre le tres humble et tres affectionne service que nous luy devons, quand a celuy que nous avons rendu a l’Empereur par son commandement je massure quil la eu si agréable que sa Majeste en portera bon temongnage Vous supliant tres humblement derechef, Monsieur, de faire souvenir sa dite Majeste de nous tirer hors dicy Et que derenavent mes œuvres et labeurs soyent honnorez de sa veue et presence dont je receveray plus d’aise et de contentement que de les semer en terres si eslongnes de moy ou je ne puis esperer d’en recevoir james auxun fruict, Et oultre l’obligation que je vous ay desja elle saugmentera de plus en plus a vous faire toute ma vie tres homble service d’aussi bonne volonté que je suplie nostre seigneur vous donner Monsieur en toute prosperiez (sic) et grandeurs une tres heureuse et tres longue vie. de vienne ce XVIIII de juillet [1569 ou 1570].
      Vostre tres humble et obeisant serviteur
                  Signé :       D
U MONSTIER. »
   A sa mort, Catherine de Médicis devait toujours à Étienne Dumonstier 2400 l. t., « restans de deux mil sept cens trente livres contenus en la rescription dudict Marcel, du troisiesme Ianvier mil cinq cents soixantedixhuict », que l’artiste ne reçut qu’en 1601. Il fut alors au service de Henri IV : il est qualifié de peintre et valet de chambre du roi régnant dans un acte daté du 22 juin 1598, par lequel l’artiste constituait un procureur devant la Cour des Aides de Montferrand pour défendre ses intérêts et faire rentrer des revenus résultant de la rente constituée par la reine mère. Il est porté sur l’Estat des officiers domestiques du Roy pour l’année commencée le 1er janvier 1599 : « Peintres qui auront aussy qualité de valletz de chambre : Du Monstier l’aisné xxxiij escus. » Dans l’Autre estat des mutations advenues, dans ledict estat du Roy, depuis le 20 février 1603 jusques au dernier jour de mars 1604, figure la mention suivante : « Peintres et vallets de chambre [...] Martin Freminet au lieu et par la mort de Du Monstier l’aisné. »
   Le 1
er avril 1574, il épousa Anne Linières, dont il eut un fils, Gilles, né la même année d’après le registre de Saint-Germain-l’Auxerrois. Devenu veuf il épousa par contrat du 29 janvier 1585, Marie Lesaige, se déclarant alors être âgé de quarante ans. Leurs fils, Pierre, né fin 1585, fut comme son père peintre et dessinateur, au service de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV. On a de lui des portraits dessinés signés de sa main « par Pierre Du Monstier :  S / Parisien S·S ». D’après un acte du 29 août 1603, Étienne habitait rue des Quatre-Fils. « Peintre et valet de chambre du roy et de feue royne », il racheta alors, avec son voisin Guillaume Margonne, bourgeois de Paris, à Jacques Amelot, sieur de Carentin et de Mauregard, conseiller du Parlement, 4 livres de rente foncière.
   Le 27 septembre 1603, il fit son testament, malade et ne pouvant pas signer. Il choisit sa sépulture dans l’église Saint-Jean-en-Grève, sa paroisse, et légua à François et Marguerite Duboys, frère et sœur, religieux, la somme de 400 livres, réduite le même jour à 150, puis, le 17 octobre, à 60 livres. Il fit le même jour don de 300 livres au sieur Daucher, avocat au Parlement, pour œuvres pieuses « qui ne seront révélées à personne ».
    On possède de lui quatre portraits dessinés par son frère Pierre. Trois sont conservés à l'Ermitage, dont l'un annoté « fait le XI
e juin de 1569. », et deux esquisses préparatoires pour un tableau représentant les deux frères, un projet mis au carreaux et une mise au net de la tête d'Étienne, plus âgé de quelques années que dans le dessin de 1569. Le crayon du Cabinet des estampes semble contemporain de ce portrait : l'artiste y porte une toque froncée à la mode du début des années 1570.
    L’activité artistique d’Étienne est mal connue et Dimier n’a retenu qu’une quinzaine d’œuvres de sa main, caractérisées par « la perfection du dessin et une finesse d’exécution particulière », ce qui paraît peu pour un peintre de cette envergure. Par ailleurs, rien ne permet d'affirmer qu'Étienne était le plus talentueux des frères Dumonstier. On ignore le sort d’une collection de portraits vendus par Pierre Dumonstier le neveu, le fils d’Étienne, à l’archiduchesse Isabelle.
 
[1] Cette épitaphe a été relevée dans BnF, mss fr. (Epitaphier manuscrit des églises de Paris). Une autre copie conservée également au cabinet des manuscrits propose une transcription différente et probablement erronée : « […] jusqu’à la fin de son âge, qui fust le 23e jour d’octobre 1603, aagé de 83 ans. Priez Dieu pour son âme. Il portait d’azur à l’église ou moustier d’argent ».