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Jean BOURDICHON
(Tours, vers 1457 – Tours, avant juillet 1521) |
n sait par la déposition de Bourdichon au procès de béatification de saint François de Paule de 1513, qu’il était âgé de cinquante-six ans, donc né vers 1457-1458, sans doute à Tours, où il vécut toute sa vie [1]. Son apprentissage se fit dans l’atelier de Jean Fouquet auprès du disciple et principal assistant de l’artiste, le Maître du Boccace de Munich (identifiable probablement avec l’un des deux fils de Fouquet, Louis ou François). Bourdichon prit auprès de Louis XI la succession de Fouquet comme peintre du roi dès 1481[2], après avoir régulièrement travaillé pour le roi depuis déjà plus de deux ans[3].
Depuis 1484 Bourdichon porta officiellement le titre du « paintre et enlumineyur du roy » et son « varlet de chambre ». Très apprécié par Charles VIII qui lui fit installer en 1491 un cabinet de travail au château du Plessis-lès-Tours (« une estude pourvue d’un grand escabeau »), il mena une longue carrière officielle et vécut dans l’aisance avec des biens fonciers. Ses activités furent celles d’un enlumineur et peintre « à tout faire » : outre les tableaux religieux (dont un grand devant de l’autel représentant la Vierge en gloire en 1491), diverses miniatures et « histoires » (sacrées ou profanes), il réalisait divers travaux d’ornementation utilitaire et de décors éphémères qui incombèrent à sa charge tels que plans (ville et château de Nantes), vues panoramiques (ville de Caudebec), écus de parade et armoiries, enseignes, étendards et bannières, patrons de monnaies, d’orfèvrerie, de vitraux, d’habits d’équipages de guerre et de vêtements. Il fut toujours rémunéré à part pour tous ses travaux, ses paiements – de 8 à 400 livres – s’ajoutant à ses gages annuels de 240 livres tournois.
Bourdichon ne travailla pas uniquement pour la famille royale, mais également pour une clientèle de cour : le roi de Naples détrôné Frédéric III d’Aragon en exil à Tours, le comte Charles d’Angoulême, Louis d’Amboise et le confesseur de Charles VIII Jacques de Beaune, frère Jean Bourgeois et peut-être Pierre de Rohan, maréchal de Gié.
Son œuvre d’enlumineur fut très abondante mais, son succès lui ayant entraîné des imitateurs ou des sous-traitants, il convient de réduire son corpus aux manuscrits les plus conformes à son seul ouvrage attesté, les Grandes Heures d’Anne de Bretagne, dont le paiement était ordonné en 1508 et qui sont donc situées après le milieu de sa carrière. En revanche, l’absence de peintures complique fortement l’attribution à Bourdichon de portraits, alors même que son activité dans ce domaine est largement documentée. Ainsi, en 1491 il « fait et pourctrait le roy et la royne en deux tableaux auprès du vif, et ma demoiselle de Tarante, en ung autre tableau auprès du vif », puis « encores ledit seigneur [Charles VII] au vif, entier, vestu de veloux thanné ; quatre tableaux dont en l’ung y a sept histoires et frère Jehan Bourgeois qui presche, avecques son disciple, le Roy nostre dict seigneur estant çà genoux [...]. » En 1507 il peignit par ordre de Louis XII le portrait de saint François de Paule en odeur de sainteté. Ce portrait fut envoyé au pape Léon X lors de la canonisation du saint en 1519. Malheureusement perdu, il est surtout connu d’après de nombreuses gravures du XVIIe siècle qui semblent peu fidèles. Enfin, il exécuta plusieurs portraits en 1516, dont celui du roi François. Il semble pourtant que Bourdichon fut surtout copiste, reprenant les portraits exécutés par des portraitistes officiels, comme Perréal ou Clouet.
Il fut marié deux fois, la première à Barbe Colleberbe, qui lui donna au moins deux filles dont l’une, Françoise, épousa Jehan Perrigault, licencié ès-lois, conseiller en la cour royale de Tours. Charles VIII lui octroya une somme de mille livres tournois pour doter ses filles. En secondes noces il épousa Catherine Chambellan.
Le vieil enlumineur figure encore dans les comptes de 1521. Il mourut peu après, avant le mois de juillet 1521, date à laquelle sa fille Françoise donna procuration à son époux pour toucher sa part dans la succession de l’artiste. |
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[1] « Joannes Bourdichon, D. N. Regis Pictor, & Cameræ famulus, ac civis Turonensis ; ætatis LVI annorum vel circa ». Processus turonensis de vita et miraculis Francisci de Paula. 1513 , G. Henschenius et D. Papebrochius, Acta sanctorum aprilis , tomus I, Anvers, Michel Cnobbaert, 1675, p. 148E. Il dépose également qu’il connaît François de Paule depuis quinze ans.
[2] Il est qualifié « enlumineur et varlet de chambre du Roy » dans un acte passé chez Me Portays en juin-juillet 1481 (pub. R. Fiot, « Du nouveau sur Jean Bourdichon », Bulletin trimestriel de la Société Archéologique de Touraine , XXX, 1949).
[3] En mars 1478 « Jehan Bourdichon, paintre et enlumineur demourant à Tours » peint un tabernacle de la chapelle du Plessis-lès-Tours. En 1480, il « estoffe et paint » une statue de « Saint Martin, le cheval et le povre, de fin or moulu et de fin azur et autres couleurs riches », peint sur parchemin la vue de la ville de Caudebec et exécute plusieurs manuscrits enluminés. |
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